Fragments d'espoir - Actualité manga

Fragments d'espoir : Critiques 191122

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Critique du volume manga 6e1d41

Publiée le Jeudi, 22 Mai 2025 6r5k42

Le 11 mars 2011, le séisme qui secoue le Japon engendre la catastrophe nucléaire de Fukushima. Avec ses près de 20 000 morts et les nombreuses personnes impactées par la radioactivité, ce jour résonne comme un vrai choc à travers le monde tandis que l’Archipel en garde de fortes cicatrices morales et psychologiques. Sans vouloir partir dans le cours d’histoire de comptoir, on peut croire que le rapport du peuple japonais au nucléaire est particulièrement sensible depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, et que l’incident de Fukushima s’est immiscé sur ce chemin traumatique. Les mangakas qui ont exprimé leur vision du drame sont nombreux, que ce soit par des récits documentaires sur la catastrophe et les enjeux du nucléaire (à l’instar de ‘Colère nucléaire’ de Takashi Imashiro ou ‘Au cœur de Fukushima’ de Kazuto Tatsuta), mais aussi des récits plus personnels comme peut l’être ‘Je reviendrai vous voir’, recueil d’histoires courtes dans lequel plusieurs mangakas reconnus parlent de la tragédie, et bien entendu ‘Daisy : Lycéennes à Fukushima’ de Reiko Momochi où les répercussions du drame sont narrées sous le prisme du drame lycéen. Entre 2011 et 2012, Moto Hagio a eu l’occasion de faire parler sa vision de la catastrophe à travers cinq histoires courtes qui furent ensuite compilées en un recueil : ‘Nanohana’. En 2013, l’écoute du morceau ‘Tachikawa Drive’ de Yoshihiro Kai donne à l’autrice l’idée d’une autre histoire. Un sixième chapitre, donc qui fut proposé dans une réédition du recueil, paru en 2016 au Japon. De notre côté, les éditions Akata ont insisté sur le devoir de mémoire de la catastrophe de Fukushima et sur les réflexions à faire sur les dangers du nucléaire via plusieurs des différents titres cités plus haut (tous, à vrai dire, exception faite de ‘Au cœur de Fukushima’). Alors, puisque la maison est dans une dynamique de valorisation du travail de Moto Hagio, trop longtemps restée dans l’ombre jusqu’à il y a peu, publier ‘Nanohana’ semblait dans la continuité de son exercice éditorial. Le recueil nous est proposé sous le titre ‘Fragments d’espoir’ en ce mois de mai 2025 et s’appuie sur la réédition de 2016 de l’ouvrage, sa version la plus complète, donc. On peut diviser le recueil en trois segments distincts. En premier lieu, deux récits viennent narrer l’histoire de la jeune Naho, écolière marquée par la catastrophe qui a coûté la vie à sa grand-mère. Moto Hagio aborde ici la perte et le deuil en tant que trauma d’une telle catastrophe. Le sujet en lui-même aurait pu être totalement détaché du 11 mars 2011, mais la mangaka parvient à y faire de subtils rappels réguliers, comme pour rappeler les vies injustement fauchées ce jour-là, en n’omettant pas les répercussions nucléaires qui ont pu impacter la destinée de certains foyers. Déjà touchante sur son premier chapitre, cette optique gagne en puissance émotionnelle sur son second volet. À travers lui, la mangaka puise dans le roman ‘Train de nuit dans la Voie lactée’ de Kenji Miyazawa (écrit qui a aussi inspiré Leiji Matsumoto avec son poétique ‘Galaxy Express 999’) pour rappeler le deuil et le trauma de la perte d’êtres chers dans un voyage onirique bouleversant. Trois autres épisodes viennent nourrir la deuxième dimension du recueil. À travers trois chapitres, Moto Hagio caractérise le danger du nucléaire en leur donnant des formes humaines. Via des histoires qui s’apparentent comme de véritables pièces théâtrales dans leur dramaturgie, c’est notre rapport à ces énergies qui est tout bonnement remis en question et globalement pointé du doigt. Si certains pourront y trouver un manque de nuance, le parti-pris de la mangaka ne semble pas être un secret. Ses messages sont clairs, et son talent pour mettre en exergue les travers de la société comme point de départ des tragédies nucléaires est un vrai tour de force tant l’autrice parvient, par plusieurs personnages, à explorer l’histoire de l’humanité sur le chemin du progrès et des richesses qui peuvent le mener à sa perte. Et même en excluant tout rapport au nucléaire, ce sont de vrais contes philosophiques aux multiples réflexions que nous pouvons apprécier. Le dernier chapitre, ‘Fukushima Drive’ a été publié après parution de la version originale du recueil. Pour cela, il peut sembler détaché du reste des histoires. Pourtant, l’épisode est peut-être l’un des plus marquants de l’ouvrage, ne serait-ce pour son procédé narratif. Moto Hagio reprend les paroles de la chanson ‘Tachikawa Drive’ comme unique élément textuel en guise de fil rouge, l’histoire en elle-même étant contée par les purs talents de mise en dessin et de compositrice visuelle de l’autrice. Chaque page et chaque plan est parfaitement calibré pour diriger la progression de ce récit tragique. Un parti-pris unique qui donne à cette histoire humaine une mélancolie singulière qui résonne davantage en parcourant une nouvelle fois le one-shot avec la musique originale en fond sonore. On apprécie d’ailleurs que la mangaka se livre sur la genèse de cette histoire en guise de postface tant celle-ci symbolique un ultime fragment d’espoir : après la tragédie, il reste l’humain qui donne à l’avenir quelques notes d’éclats. Dans les directions et intentions de chaque chapitre, chacun sera certainement touché à sa manière. Reste que l’ensemble est superbement relié par une patte propre à Moto Hagio, celle de sa narration qui s’avère toujours riche de métaphores visuelles. Il ne suffit parfois que d’une case ou d’une page pour que la mangaka exprime superbement son message, ou illustre avec délicatesse les ressentis de ses personnages. C’est un aspect que l’on retrouve dans ses différents travaux et qui, dans ‘Fragments d’espoir’, nous touche à plus d’un moment. Les visiteurs de l’exposition angoumoisine ‘Moto Hagio : Au-delà des genres’ ont pu se rendre compte de la patte artistique de la mangaka, ce qui se retrouve dans cet ouvrage plus contemporain de la carrière de l’artiste. Moto Hagio nous touche alors de diverses manières en narrant de son crayon son ressenti sur la catastrophe et sa vision sur les dangers du nucléaires. Et d’un point de vue de l’œuvre pure de la mangaka, on apprécie avoir accès à l’un de ces travaux plus récents, une autre facette de l’expression de cette grande dame du manga qui profite enfin des égards qui lui sont dus dans notre pays, et dont on se régale de l’œuvre foisonnante servie par un trait sublime de sa finesse et subjuguant par ses figures de style esthétiques. 5s165u


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
17 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs